Grande distribution : Quand Les Mousquetaires accélèrent, Carrefour fait face à la rébellion de ses franchisés
Dans un secteur de la distribution en pleine mutation, deux stratégies opposées émergent : d’un côté, le Groupement Les Mousquetaires, qui renforce sa position grâce à une expansion massive et des performances solides, et de l’autre, Carrefour, confronté à une rébellion de ses franchisés exigeant plus d’autonomie.
Les Mousquetaires : une croissance fulgurante portée par le rachat des magasins Casino
Le Groupement Les Mousquetaires peut se féliciter d’une année 2024 exceptionnelle, marquée par l’acquisition de 273 magasins du groupe Casino (211 Intermarché et 62 Netto). Cette opération stratégique a permis aux deux enseignes d’atteindre 3 129 points de vente et de générer un chiffre d’affaires de 32,7 Mds € hors carburant, soit une croissance de +7,4% sur un an.
Cette dynamique s’explique à la fois par l’intégration des magasins rachetés et par la performance des points de vente historiques. Le Groupement prévoit une augmentation de 30% du chiffre d’affaires des magasins repris, avec une projection de 3 Mds € supplémentaires à court terme et jusqu’à 4,5 Mds € après modernisation complète.
Sur le plan international, Les Mousquetaires affichent également des résultats solides :
1,2 Mds € en Pologne (+1,6%)
1,9 Mds € au Portugal (+3,6%)
1,9 Mds € en Belgique (+11%)
Dans un marché concurrentiel, Les Mousquetaires misent sur la conquête commerciale et la transformation du parc pour asseoir leur place parmi les leaders de la grande distribution.
Carrefour : une contestation inédite de ses franchisés
À l’opposé de cette dynamique de conquête, Carrefour fait face à une révolte de ses franchisés, qui remettent en cause le modèle imposé par le groupe. Regroupés au sein de l’Association des Franchisés de Carrefour (AFC), 260 magasins (700 M€ de CA) dénoncent les prix élevés pratiqués par l’enseigne et réclament une plus grande autonomie dans l’approvisionnement.
L’AFC a engagé une procédure judiciaire devant le tribunal de commerce de Rennes et bénéficie du soutien du ministère de l’Économie, qui recommande l’annulation de certaines clauses contractuelles jugées déséquilibrées. Le mouvement pourrait déboucher sur un transfert progressif de 200 M€ d’achats vers d’autres distributeurs d’ici 2027, un tournant potentiellement majeur pour Carrefour.
Bien que le groupe affirme qu’aucune restriction n’existe sur l’approvisionnement des franchisés, il reste sous la menace d’une amende de 200 M€. Il devra aussi trouver un équilibre entre baisse des prix et préservation de la rentabilité des magasins, un défi stratégique de taille.
Deux modèles opposés : indépendance coopérative contre centralisation
La situation de ces deux géants illustre deux modèles économiques radicalement différents dans la grande distribution :
Les Mousquetaires fonctionnent sur un modèle coopératif, où chaque adhérent est propriétaire de son magasin et participe aux décisions stratégiques du groupement. Cette approche leur permet une grande agilité et une forte autonomie, notamment en matière d’approvisionnement et de politique commerciale.
Carrefour, en revanche, impose un cadre plus strict à ses franchisés, avec un contrôle centralisé sur les achats et la politique tarifaire. Ce modèle assure une cohérence et une force de frappe à l’échelle nationale, mais peut générer des tensions avec les magasins qui cherchent à adapter leur offre à leur clientèle locale.
Face à ces différences, le Groupement Les Mousquetaires semble tirer son épingle du jeu, en s’appuyant sur un modèle plus souple et une stratégie d’expansion offensive. Carrefour, de son côté, devra composer avec une fronde qui pourrait redéfinir en profondeur ses relations avec ses partenaires franchisés.
L’avenir dira si le modèle coopératif et décentralisé des Mousquetaires s’impose face à la centralisation de Carrefour, ou si le géant de la distribution parviendra à redresser la barre en apaisant ses franchisés.